[Entretien] PMH Doodle, l’artiste tout terrain
PMH Doodle est un artiste qui utilise des mediums variés (skate, casques, vélos…) pour exprimer sa créativité à travers la technique du doodle.
Il a customisé une guitare et un ukulélé Lâg de chez Danett Music, avec brio, créant des pièces uniques!
On a eu envie d’aller à sa rencontre pour comprendre sa trajectoire, ses inspirations et ses projets.
Il a accepté pour notre plus grand plaisir, de répondre à nos questions!
Qui est PMH Doodle?
Quelle est ta formation? Comment es-tu venu au dessin?
J’ai beaucoup dessiné quand j’étais jeune, j’ai suivi l’option Arts Plastiques au lycée, mais je n’avais pas du tout ce style à l’époque !
Ensuite, j’ai été prof d’histoire-géo en lycée pendant 21 ans.
C’est au cours de l’année 2007, lors de réunions et de conseils de classe, que j’ai commencé à « griffonner », sans savoir que je faisais ce qu’on appelle du « doodle », ou du « gribouillage maîtrisé » !
Comment est née cette idée de dessiner sur des objets?
Le « doodle » est un style qui se prête bien à la customisation d’objets : objets de design ou du quotidien (tables, boîtes, mugs…), en lien avec le sport (skates, vélos…), la technologie (casques audio, coques de téléphone…) ou la musique (guitares, ukulélés, pianos…).
Je travaille avec la marque de peinture japonaise Posca, et leurs marqueurs permettent de peindre sur de nombreux supports (bois, métal, verre, plastique…).
Comment se passent les partenariats? Est-ce que tu démarches, comment se font les liens? Comment choisis-tu tes partenariats?
Si on parle des collaborations, ça se fait souvent grâce au bouche à oreille, ou bien de plus en plus via les réseaux sociaux.
Des chefs d’entreprises ou des community managers me découvrent surtout grâce à ma page Instagram, où ils voient la variété des projets. Après, on discute, on échange, on voit si une collaboration est envisageable.
Tu fais aussi de la création dans les écoles. Quels types de projets réalises-tu? Travailles-tu avec les élèves?
Oui, on ne peut pas avoir été prof pendant 21 ans sans garder des réflexes de transmission !
Je viens de travailler avec toute une école (maternelles et primaires). Ce qui représente presque 300 enfants que j’ai initiés au doodle, sur des carreaux de carrelage. Il y a même des tutos de mes interventions en milieu scolaire.
Au final ils ont réalisé une douzaine de fresques qui seront collées sur les murs extérieurs de l’école Joséphine Baker, à Guémené-Penfao. Ils apprennent à la fois la concentration et la précision du trait mais aussi la grande liberté de l’imagination.
Ils ont bien retenu ce qui est désormais ma devise : « on ne se trompe jamais en doodle ! ».
Comment est née l’idée de faire des lives Facebook? Qu’est-ce que tu aimes dans ce format?
Si on remonte à l’origine de l’idée, il faut parler du premier confinement.
Je n’avais plus de toiles à la maison, j’ai retrouvé une planche de skate qu’un pote m’avait demandé de customiser.
Pour me lancer, j’ai décidé de me filmer et de diffuser cela sur les réseaux, et… ça a cartonné !
Stéphane Calvez, un ami, m’a alors proposé de peindre un skate en live sur Facebook. Tous les soirs pendant 5 jours, en octobre, on a fait un petit live de 30 minutes. Les gens voyaient la progression, me posaient des questions pendant que je peignais, bien installé dans mon « atelier-cuisine » (je travaille chez moi pour l’instant).
Amusée par cette idée, Dolorès Hébert, la cheffe du Redonnais, m’a dit : « ça te dirait pas que je vienne cuisiner chez toi pendant que tu dessines » ? Et le concept de « L’Atelier de PMH » était né !
Depuis décembre, j’ai déjà reçu 6 invités. Le marionnettiste Cristof Hanon, la conteuse Gigi Bigot, la chanteuse lyrique Brigitte Lafon, les rockeurs de Ko Ko Mo, et la chanteuse et coach Marielle Dechaume).
On peut retrouver tous ces lives sur ma page Facebook, ou sur ma page Youtube.
L’émission dure environ 1h, c’est interactif, et ça se passe dans une ambiance très décontractée. Pour chaque invité, je choisis un objet en lien avec son art ou sa passion, je le peins et les internautes peuvent ensuite le gagner.
Peux-tu expliquer comment a démarré le projet de la guitare avec KO KO MO?
Je connais Warren, le chanteur, depuis 2012 et c’est maintenant un de mes meilleurs amis.
Je l’ai invité à participer à « l’Atelier de PMH » et K20, le batteur, a accepté de venir faire un petit tour aussi. Donc c’était très cool de les avoir dans ma cuisine, à l’heure du couvre-feu, et de partager ce moment avec les internautes (il y a eu + de 5 500 vues sur Facebook). Ça faisait du bien à tout le monde de retrouver du live.
On a réfléchi un peu au support idéal. On a pensé à différents accessoires, dont une peau de grosse caisse, mais Jean Michenaud (chez Danett Music) m’a dit « on va quand même pas se contenter d’un accessoire pour l’occasion, il faut un vrai instrument ! ». Il a échangé avec Lâg, et voilà, je me suis retrouvé avec une vraie belle guitare T70D Tramontane ! La classe.
J’ai commencé à la travailler pendant l’émission, puis j’ai mis 15 à 20h pour la terminer et la peaufiner dans les moindres détails. Il y a eu de nombreux participants à la loterie, et c’est une dame du Pays de Redon qui l’a gagnée, on a hâte de la lui remettre en mains propres, chez Danett Music, maintenant que c’est possible !
Ton style est de multiplier des motifs qui font penser à de la BD, comment t’est venu ce style?
Quand j’ai débuté, honnêtement je n’avais aucune autre motivation que de remplir des feuilles, à saturation, avec une multitude de formes différentes. J’ai créé toute une gamme de motifs, comme autant d’éléments d’un langage graphique, sans savoir exactement ce que j’étais en train de faire. Il y avait beaucoup de tuyaux, des formes simples dans les premiers temps, mais de la précision dans le geste : j’appelais ça du « gribouillage maîtrisé », avant d’apprendre que c’était un style en soi (le doodle, donc, très pratiqué par des dessinateurs en Asie, notamment).
Il m’arrive de travailler en me focalisant sur une thématique. L’an dernier, j’ai fait deux dessins en particulier, au Rotring (à l’encre de Chine, avec une mine super fine) l’un sur les mécanismes de montres de collection, l’autre sur les moteurs de voitures mythiques. Avec un éditeur parisien, on les a imprimés sous forme de lithographies, au sein du prestigieux atelier « Idem Paris ». Je suis très fier de cette collaboration et du rendu, de la précision (il reste d’ailleurs quelques lithos des moteurs à vendre !)
Quelles sont tes inspirations?
On me parle très (trop !) souvent de Keith Haring ou de Mr Doodle mais je ne peux pas dire qu’ils représentent, pour moi, des inspirations artistiques.
Quand j’ai commencé à me lancer plus professionnellement, il a bien fallu me présenter en parlant du doodle et j’ai même accolé ce mot à mon pseudo. Mais en réalité, ce qui compte pour moi c’est la force du trait, de la ligne, des formes. Sans oublier les aplats de couleurs, qu’il s’agit de bien doser. Dubuffet a fait cela il y a longtemps, on ne parlait pas de doodle à l’époque.
Ma particularité, je pense, c’est de « lier » tous mes éléments (des formes abstraites ou figuratives), de sorte que celui qui regarde attentivement un dessin ou une toile peut se raconter une histoire, sa propre histoire. Il tourne le tableau et c’est une autre histoire qui commence ! C’est sans fin. On peut s’imaginer plein de choses, c’est l’œil et l’imagination qui parlent.
Et, naturellement, un autre spectateur aura une tout autre interprétation. C’est ça qui m’amuse beaucoup, il faut que ça reste ludique. Je cache d’ailleurs souvent des petits motifs, des indices, des robots, des monstres, des animaux, des yeux, des mains, ou même d’autres parties du corps ahahah.
Ça reste un enchevêtrement, un labyrinthe où rien n’est vraiment imposé, surtout pas le chemin à suivre !
Les goûts et les couleurs de PMH Doodle
Ton artiste décédé et vivant préféré? Pourquoi?
C’est toujours une question compliquée, surtout quand on s’intéresse à plusieurs types d’art. C’est quasiment impossible de choisir parmi les peintres, les musiciens, les cinéastes, les écrivains, les dessinateurs, les danseurs, sculpteurs que j’aime…
Ce que je peux dire, c’est que j’ai un grand respect pour les artistes en général, ceux qui osent créer (qui peuvent s’inspirer des autres mais sans copier).
Ce n’est pas anodin, comme geste, d’essayer de partager son univers, d’inviter les autres à entrer voir ce qui se passe dans ton esprit, dans ta tête.
Pas de gestes barrières en la matière: j’aime quand l’art est accessible. Pour moi, on n’a pas besoin d’avoir fait des études spécifiques pour apprécier si ce n’est comprendre une œuvre, être interpellé-e. On parle d’émotions, de goûts, ça résonne par rapport à qui on est, à ce qu’on a vécu.
En peinture, j’aime l’univers de Jackson Pollock, Edward Hopper, Jean Dubuffet. Et en littérature je penche plutôt du côté de Paul Auster.
En musique, Deezer me rappelle souvent que c’est Elliott Smith que j’écoute le plus. J’ai eu la grande chance de le voir en concert. C’était dans la mythique salle de l’Olympic, à Nantes, en septembre 2000. Il est arrivé sur scène, il s’est assis avec sa guitare, et a dit « hi ». Il a enchaîné tout son set sans rien dire avant de nous dire « bye » puis de se retirer. Je suis très fan de son univers.
J’aime aussi beaucoup Jeff Buckley, Michel Berger, Billie Eilish, William Sheller, et Stevie Wonder… je pourrais continuer la liste longtemps.
Peux-tu citer 3 groupes de musique préférés?
En plus de KO KO MO, tu veux dire ? C’est définitivement le groupe que j’ai vu le plus souvent en concert, dans des configurations très différentes. Pour ceux qui ne les connaissent pas encore, il faut absolument les voir sur scène : ils dégagent une énergie de dingue, rare, belle. Ils ont cette complicité des plus grands, ils « jouent » de la musique comme des enfants jouent pour s’amuser. Mais ils jouent avant tout pour ceux qui sont là, avec eux. Ça se voit dans leurs échanges de regards et dans leur attitude, leurs mouvements. La passion et le talent font le reste. Ils prennent leur pied et embarquent le public, y compris ceux qui les voient pour la toute première fois. C’est magique, vraiment. Ils méritent une carrière internationale.
Sinon, en musique je peux citer les Beatles (j’admire en particulier le talent inépuisable de Paul McCartney qui vient de me bluffer avec son tout dernier album), Michael Jackson, Jeff Buckley…
Les matériaux
Le matériau le plus délicat sur lequel tu as travaillé? Pourquoi?
On me demande parfois de dessiner/peindre directement sur la peau, c’est toujours une sensation un peu étrange parce qu’on entre en contact avec la personne, on sent le pouls, les vibrations de la peau. Mais c’est amusant, c’est une création qu’on sait éphémère.
Enfin je dis ça mais certains se sont quand même fait faire un tatouage à partir de mes dessins, ça claque (et là, c’est pour la vie !).
J’ai aussi essayé dernièrement sur un vinyle, ce n’est pas ce qu’il y a de plus agréable à cause des sillons, mais au final ça rend plutôt bien.
Un matériau que tu aurais envie de travailler?
Pour les innovations, ce n’est pas tellement une question de matière mais de support ou de forme.
En fait j’aimerais deux choses : voir quelques-unes de mes créations en grand sur une façade d’immeuble (avec l’aide de graffeurs motivés).
Et il y a un bout de temps déjà que j’envisage de passer au volume. Voir réellement mes motifs se croiser et s’emmêler, en 3D, que ce soit avec du bois ou un autre matériau, ce serait génial.
L’objet préféré sur lequel tu as travaillé?
J’ai beaucoup aimé travailler sur une série de skates, en 2020. J’ai réussi à mettre la main sur des cruisers Lacadur de 1978, qui n’avaient jamais été déballés, donc ils étaient vintage mais comme neufs !
Et une fois que le bois est poncé, c’est hyper agréable comme support, comme objet à customiser au Posca : c’est à la fois pop, fun et ça fait un bel objet d’art, qui peut remplacer une toile au mur.
La suite pour PMH Doodle!
Quels sont tes prochains projets?
En ce moment les projets se multiplient et c’est stimulant !
J’ai été sollicité pour un projet artistique international, Money for nothing : 1001 artistes du monde entier (dont Keith Haring, justement, mais aussi Andy Warhol, Obey Giant, Basquiat, Banksy et de très nombreux street artists) sont réunis au sein de cette collection exceptionnelle de billets de banque de toutes les époques, de tous les pays, de toutes les tailles.
L’idée est simplement de créer une œuvre sur ce support original. Moi je vais créer sur une planche originale de 8 billets de 2 dollars américains, en transparence… Tout un défi ! La collection voyagera, et les bénéfices seront reversés à une ONG pour la défense des animaux.
Tout l’été et jusqu’en octobre, on pourra aussi voir le studio dans lequel j’ai peint du sol au plafond pour l’habiller entièrement de doodles… À ce jour, c’est l’œuvre la plus imposante que j’ai pu réaliser, et c’est cool de s’attaquer à des formats de plus en plus grands – comme je viens de le faire aussi dans un restaurant d’Angers, Gribiche, une fresque de 7 m de long par 2,60 m de haut.
Pour le studio, il se trouve que c’est éphémère puisque tout sera détruit l’hiver prochain, alors il faut vite venir voir ça !
Ça se passe à Trélazé, juste à côté d’Angers, et ça s’appelle « la Rézidence ». C’est aussi un beau projet qui regroupe des dizaines d’artistes à découvrir (graffeurs, musiciens, sculpteurs, dessinateurs, peintres, danseurs…).
Je vais bientôt entamer un nouveau dessin pour éditer une 3ème lithographie, sur les instruments de musique classique cette fois.
Et un projet qui me tient beaucoup à cœur, parce que c’est en lien avec la guitare dont on a parlé, c’est une collaboration officielle Lâg x PMH Doodle. À suivre… 😉
Un grand merci à PMH Doodle pour ses réponses passionnantes!
Catalogue de skates sur demande pmhdoodle@gmail.com